Les enjeux de parentalité, encore plus importants aujourd’hui ?
On observe depuis plusieurs années une extension des cadres familiaux et des modes parentalité. Alors que dans notre imaginaire les mesures d’entreprise à ce sujet s’adressent aux femmes enceintes, elles se doivent aujourd’hui d’impliquer davantage les pères, les familles monoparentales (qui concernent 80% des femmes en France et progressent continuellement) mais aussi la génération sandwich (qui concerne les parents s’occupant de leurs enfants et de leurs parents).
La crise du COVID-19 a encore amplifié le brouillage des frontières entre vie professionnelle et personnelles et les parents salariés ont été fortement impactés. En particulier les mères qui affirmaient en 2021 être 15% de moins confiante que les hommes pour leur avenir professionnel en France. À l’échelle internationale, c’est presque 1 femme sur 2 qui considérait en 2024, le fait d’avoir eu des enfants comme ayant un impact négatif sur son parcours.
Quid de l’égalité dans la parentalité ?
Alors que 89% des salariés sont parents, tous ne vivent pas la parentalité de la même façon. Selon une étude de l’IFOP en 2021, la charge mentale professionnelle des femmes avec enfants indiquait un indice de 5,2 contre 4,6 pour les pères. En conséquence, les mères ont plus souvent recours au temps partiel après une naissance (31 % des femmes vs. 3 % des hommes), ce qui impacte leurs salaires et leur évolution de carrière. En France, les revenus des femmes montrent une baisse de 20% pour une hausse 5% de celui des hommes, dans les 5 années suivant l’arrivée d’un enfant.
Appliquer des mesures pour la parentalité revient donc à compenser et réduire les inégalités de genre, entraînant des effets positifs sur les salariés…. Mais aussi sur les organisations.
L’entreprise a t-elle vraiment à y gagner ?
Selon l’INSEE et la DARES, 32% des mères considèrent à ne pas avoir assez de temps pour effectuer correctement leur travail, à cause de la charge mentale familiale. Les pères, à l’inverse, augmentent leur temps de travail après l’arrivée d’un enfant, et se mettent à dépasser leurs horaires habituels. En découlent d’un côté la frustration de ne pas pouvoir bien exercer son travail, de l’autre la sensation de débordement. Autant de facteurs de risque psycho-sociaux qui peuvent mener au burn-out ou à l’épuisement professionnel. Mais aussi à un contexte propice au retrait des mères du marché de l’emploi, à une augmentation des arrêts maladies, aux conflits dans les collectifs de travail, et ainsi, à des pertes de valeur pour l’entreprise. Prévenir et agir pour éviter ces risques et ces trajectoires genrées dans les carrières des parents permet alors aux entreprises de se prémunir de ces risques financiers et humains.
Par ailleurs, adopter une politique RH de parentalité amène l’entreprise à développer une marque employeur attractive et aide à fidéliser ses salariés, notamment les jeunes entre 25 et 35ans. En effet, près de 82% des salariés seraient disposés à changer d’employeur pour un autre qui offrirait plus de services liés à la parentalité. Concernant les mesures phares demandées par les employés, elles s’orientent majoritairement vers des places en crèches (58,3%), suivie de la garde complémentaire (54,2%) et des horaires flexibles (53,1%).
Les enjeux liés aux moyens de garde sont en effet cruciaux et peuvent représenter un investissement stratégique pour réduire le turnover et renforcer la fidélité des employés. Plusieurs initiatives d’entreprises permettent de pallier au manque d’aide de l’Etat à ce sujet, telle que l’offre de frais de garde de Cakes Body à ses employés aux Etats-Unis, qui s’élève à 36000$.
Quelles fausses et bonnes idées pour soutenir la parentalité ?
La mesure la plus déployée pour gérer les enjeux de parentalité en entreprise est celle de l’augmentation du télétravail, qui concerne 80% d’entre elles. Cette initiative va pourtant à contre-courant des attentes des salariés, qui ne sont que 29,1% à le solliciter. Une pratique qu’il convient d’ailleurs de nuancer. Car selon les études, cette dernière pénaliserait tout particulièrement les femmes qui sont plus souvent entourées d’enfants que les hommes (48% vs 37%) et disposent moins souvent d’espace de travail dédié et isolé (29% vs 42%).
Ainsi, selon le label Gender Equality Diversity European and International Standard (GEEIS) la mesure à privilégier est l’indemnisation du congé parental, en mettant l’accent sur le congé paternel, en particulier lors des premiers mois de l’enfant.
En effet près d’un père sur trois ne profite pas de ce congé, alors que selon plusieurs chercheuses telle que Hélène Périvier, celui-ci est un levier majeur de rééquilibrage des inégalités femmes-hommes et d’un meilleur épanouissement des deux parents. Il est donc essentiel que les organisations encouragent les pères à prendre ce congé dans son entièreté immédiatement après la naissance de l’enfant. L’entreprise peut aussi proposer un congé plus long pour le père, ou bien une prime d’incitation à le prendre.
La Suède par exemple possède le congé parental le plus long (240 jours par parents) et l’un des plus généreux au monde (avec une indemnité correspondant à 80% du salaire sur 80% de la durée maximale du congé). Cette mesure est un succès au vu des 90% des pères y ayant recours et du taux de productivité classé parmi les meilleurs au travail dans le monde.
Outre les mesures principales liées à la flexibilité ou au financement de solutions de garde, les organisations peuvent poursuivre leur investissement ailleurs ! Encadrer les horaires de réunions au début et fin de journée pour ne pas pénaliser les parents, garantir un droit à la déconnection ou proposer une mutuelle avantageuse pour la famille, notamment pour les familles monoparentales…
Autant de moyens d’intégrer pleinement la parentalité pour réduire la production de risques psycho-sociaux des parents, d’améliorer leur bien-être, et donc leur capacité à mieux travailler.
Charlotte Foulon pour le webmagazine EVE